Le Coq et le Renard
Le Coq et le Renard
Sur la branche d'un arbre était en
sentinelle
Un vieux Coq adroit et matois.
"Frère, dit
un Renard, adoucissant sa voix,
Nous ne sommes plus en querelle
:
Paix générale cette fois.
Je viens te l'annoncer ;
descends, que je t'embrasse.
Ne me retarde point, de grâce ;
Je
dois faire aujourd'hui vingt postes sans manquer.
Les tiens et
toi pouvez vaquer
Sans nulle crainte à vos affaires ;
Nous
vous y servirons en frères.
Faites-en les feux dès ce soir.
Et
cependant viens recevoir
Le baiser d'amour fraternelle.
-
Ami, reprit le coq, je ne pouvais jamais
Apprendre une plus
douce et meilleur nouvelle
Que celle
De cette paix ;
Et
ce m'est une double joie
De la tenir de toi. Je vois deux
Lévriers,
Qui, je m'assure, sont courriers
Que pour ce
sujet on envoie.
Ils vont vite, et seront dans un moment à
nous.
Je descends ; nous pourrons nous entre-baiser
tous.
-Adieu, dit le Renard, ma traite est longue à faire
:
Nous nous réjouirons du succès de l'affaire
Une autre
fois.'' Le galand aussitôt
Tire ses grègues, gagne au
haut,
mal content de son stratagème ;
Et notre vieux Coq
en soi-même
Se mit à rire de sa peur ;
Car c'est double
plaisir de tromper le trompeur.